Mes Berlin

Edgar Morin

Informations générales

91 pages
Editions du Cherche-Midi
Octobre 2013

Biographie de l’auteur

Résistant et communiste sous l’Occupation, Edgar Morin a rejoint la 1ère armée française au début de 1945. Il résista au stalinisme à partir de 1947 et quitta le parti en 1951. Directeur de recherche émérite au CNRS, l’Unesco l’a qualifié, en célébrant son 80e anniversaire, d’« humaniste planétaire ».

Présentation de l’éditeur

« 1945 : l’Allemagne était effondrée, décapitée, morcelée, dévastée, hagarde, terrorisée. Et c’était du Berlin désormais en ruines qu’était partie la puissance fabuleuse qui avait asservi l’Europe et déferlé jusqu’au Caucase et à l’Égypte. »

Ce livre décrit les expériences et les rencontres incroyables d’Edgar Morin dans Berlin, d’abord dans la ville morte de l’été 1945, puis au cours de séjours successifs dans les années 1946, 1950, 1990, 2012 et 2013. Il assiste à la scission d’une ville en deux parties, puis, à partir de chacune d’elles, à la naissance de deux métropoles juxtaposées et opposées relevant de deux systèmes solaires étrangers et ennemis, dont naissent deux nations qui semblent stabilisées à jamais, la RDA et la RFA. Enfin, après la chute du mur, un nouveau Berlin en métamorphose ininterrompue.

Voici le récit personnel, subjectif et objectif, de près de soixante-dix ans d’ébranlements et de transformations formidables dans la ville où se sont joués, à diverses reprises, le sort de l’Europe et celui du monde.

Extraits
« 1990

Entre ma visite de 1988 et celle de 1990 (27 novembre-1er décembre), Berlin, l’Europe, la planète avaient changé de visage. 

Ce qui semblait éternel et fatal en Allemagne, en Europe, au sein de l’empire soviétique et du monde s’était effondré, et le symbole concret de cet effondrement planétaire avait été la chute du mur de Berlin. 

La glasnost et la perestroïka de Gorbatchev ont déclenché un formidable ébranlement qui conduisit à la désintégration de l’empire soviétique pour lequel la révolte des populations de la RDA et la chute du Mur, le 9 novembre 1989, furent un coup décisif. 

De Paris, je suivais à la télévision ce moment sublime de l’escalade joyeuse par des milliers de jeunes gens d’un mur dont l’approche était jusque là mortelle, la grande fraternisation des gens de l’Est et des gens de l’Ouest sur le Tiergarten, comme les retrouvailles inespérées et bouleversantes de membres d’une famille qui se croyaient séparés à jamais. « p.61-62

Critiques
« Edgar Morin ist ein Berliner

Après un livre très personnel sur Paris et sa géographie sentimentale (Mon Paris, ma mémoire, Fayard, 2013), Edgar Morin s’est promené dans ses souvenirs berlinois à l’invitation d’un institut universitaire allemand qui l’a hébergé pendant plusieurs semaines. Les séjours à Berlin ont scandé la vie intellectuelle et politique du sociologue, si bien que ce récent retour fait resurgir des pans entiers de l’enfance et des années de jeunesse. Engagé dans la Résistance en 1942, à l’âge de 21 ans, puis quelque temps au sein du Parti communiste français, ses occasions de parcourir cette ville furent joyeuses ou désolantes mais toujours riches et imprévues, prétextes à des observations sagaces retranscrites avec alacrité dans Mes Berlin. 1945-2013.

En un sens, il y a de l’étrangeté ou de l’ironie à voir un homme comme Edgar Morin, qui a toujours essayé de penser au-delà des frontières aussi bien nationales qu’intellectuelles, un homme qui a jeté des ponts entre les disciplines, s’efforçant de faire du concept de « reliance » un point cardinal de son œuvre, se pencher avec affection sur la ville qui fut le symbole de la haine nazie puis, après guerre, de la division de l’Europe. Mais le croire capable de rancune ou d’indifférence délibérée, ce serait méconnaître ses convictions les plus intimes, dont une nouvelle preuve gît ici dans la reproduction d’un texte saisissant, écrit en 1946, intitulé « Notre collaboration ». Le jeune militant y prêche, par-delà Vichy et au nom des Allemands et des Français qui se sont battus pour des valeurs universelles, la perpétuation de l’amitié scellée dans la résistance à la barbarie.

DEUX BRISURES

Ses déambulations successives portent la marque de ces convictions-là, malgré le passage de l’histoire et le processus de division de la cité : dès 1948, « c’était deux villes faussement jumelles, écrit-il, totalement hétérozygotes, fécondées par des spermatozoïdes incompatibles et rivaux. Et c’est pourquoi la guerre froide qui s’installa à Berlin devient à deux reprises localement chaude, pour ne pas dire brûlante ». Mais le plus touchant, dans ces vagues de souvenirs, c’est ce rappel qu’une frontière se révèle parfois aussi temporelle que spatiale. Car, au fond, quand Edgar Morin nous parle des deux brisures, celle entre Weimar et le IIIe Reich, puis celle de 1945 qui donne naissance à « deux nations allemandes de civilisations opposées » – il a connu l’une et l’autre -, il nous suggère que l’histoire se fracture autant qu’elle s’écoule, laissant la marque de ses cicatrices comme autant de bornes qui partagent les époques. »

Julie Clarini, Le Monde, 7/11/2013

 « Entre 1945 et 2013, le sociologue et philosophe Edgar Morin n’a jamais cessé de se rendre à Berlin, comme si cette ville lui donnait à chaque période de son existence, et à chaque étape de l’histoire, un nouveau souffle de vie.

C’est déjà là que se fabriquaient le cinéma et la musique qui enchantaient son enfance. Et c’est encore là qu’il s’est rendu à nouveau, en cette année 2013, pour écrire  » Mes Berlin » , au Cherche Midi éditeur. »

Rencontre avec Bernard Thomasson sur France Info le 24/10/2013