Hôtel Europe

Bernard Henri Lévy

Informations générales

224 pages
Editions Grasset
Septembre 2014

Biographie de l’auteur

Bernard-Henry Lévy  né le 5 novembre 1948 en Algérie, Bernard Henry Lévy est un éditorialiste, un philosophe et un essayiste engagé. Issu d’une famille aisée, Bernard Henry Lévy, qu’on surnomme BHL, grandit à Neuilly-sur-Seine. En 1968, il intègre l’Ecole Normale Supérieure et, parallèlement, rédige ses premiers reportages sur le Mexique et sur l’Irlande du Nord. En 1973, suite à un voyage durant la Guerre de Libération contre le Pakistan, il sort son premier livre intitulé « Bangladesh ». Bernard Henry crée la collection « Figures » chez Grasset. Conseiller de François Mitterrand jusqu’en 1976, il est aussi le rédacteur en chef du magazine « Les nouvelles littéraires ». En 1977, il publie chez Grasset un livre intitulé « La Barbarie à visage humain ». Cet ouvrage marque l’émergence du « phénomène médiatique BHL ». Le philosophe se présente comme le porte-drapeau d’une idéologie qui dénonce le fascisme et le stalinisme. En 1980, il rédige la charte de l’association de l’Action Internationale Contre La Faim. Sa carrière littéraire est récompensée : il reçoit le prix Médicis pour son roman « Le diable en tête ». Dans les années 1990, après sa rencontre avec la comédienne Arielle Dombasle, il s’essaie au cinéma. Il présente « Bosna » et « Le jour et la nuit » où son épouse est mise en scène. A compter de 2000, il s’invite sur la scène politique internationale et publie des ouvrages sur l’Afghanistan et les Etats-Unis. En 2011, il crée le prix Saint-Germain qui distingue une œuvre cinématographique. La même année, la revue américaine Foreign Policy le consacre comme étant la vingt-deuxième personnalité la plus influente au monde.

Présentation de l’éditeur

Deux textes en vérité.
D’abord Hôtel Europe, monologue en cinq actes, dont l’action se déroule le 27 juin 2014, à Sarajevo, en pleine cérémonie de commémoration du déclenchement de la guerre de 1914. Un homme, sans doute un écrivain, est enfermé entre les quatre murs d’une chambre d’hôtel qu’il a connue vingt ans plus tôt et où il est censé préparer le discours qui lui a été commandé pour la circonstance et qui doit porter sur l’Europe, ses valeurs constitutives, son futur et l’état présent de son esprit. Il est seul. Le monde extérieur ne lui parvient qu’à travers l’indistincte clameur qui monte de la rue en fête. Et il a, posé devant lui, un ordinateur où il navigue en quête de vieilles photos, de documents vagues, d’inspiration.
Ensuite, Nouvelles vues sur l’Europe, un essai philosophico-politique développant ou élucidant les points les plus énigmatiques du texte théâtral. Il y est question de Husserl, de Heidegger, de la montée des populismes et des souverainismes, du malaise (ou de l’impasse…) dans la civilisation d’aujourd’hui ainsi que des progrès, partout, du nihilisme – et puis, aussi, de la façon dont peut et doit se nouer, ici et maintenant, le triple fil, constitutif du génie européen, de l’esprit d’Athènes, de celui de Rome et du génie de Jérusalem. Un diagnostic. Des solutions. Et des raisons de croire et d’espérer.

Extraits

(Un homme, seul en scène ; un ordinateur face à lui ; près de l’ordinateur, sur la même table, un portable qui se signalera régulièrement par ses «clings» ; dans la main, une feuille de papier – qu’il lit.) «Peuples d’Europe ! C’est ici, il y a un siècle, le 28 juin 1914, que Gabrielo Princip…» Non ! C’est idiot ! (Il repose la feuille.) Un Serbe ne peut pas s’appeler Gabrielo ! Voyons voir… (Cling de sms, qu’il ignore.) Google est mon ami… Princip… (Il a, dans la barre de tâches Google de son PC, reproduite en grand, sur le mur, derrière lui, tapé «Princip».) Voilà… Gavrilo, bien sûr… «C’est ici que Gavrilo Princip (il a repris sa feuille et, au stylo, corrige), l’assassin de François-Ferdinand, donna le coup d’envoi de la guerre de 1914. Et je suis là, amis de Sarajevo…» (Nouveau cling, qu’il ignore toujours.) Non. «Amis de Sarajevo» ne va pas non plus. Trop faible par rapport à tout ce que nous avons vécu. (Il réfléchit, recorrige – et murmure 🙂 «C’est ici qu’un siècle après, frères de Sarajevo…» Meilleur… Un côté «frères d’armes» qui me plaît bien… (Toujours la feuille de papier – mais stylo levé, comme s’il essayait son texte avant de l’écrire ; le ton doit être déclamé, presque pompeux.) «Ce discours sur l’avenir de l’Europe, je suis heureux de le prononcer ici, devant mes frères de Sarajevo. Tant de visages que je reconnais… Tant d’autres qui ne sont plus là, fauchés par une barbarie…» (Cling, cling, cling, rafale de clings – regard courroucé en direction du portable, il poursuit.) Là, attention ! Faudra faire très attention avec les noms ! Les vivants c’est facile. Ils seront dans la salle. Je les verrai. Mais les morts ? Le problème, ce sera les morts… Ici par exemple (toujours le PC ; il clique sur une photo où on le voit, paysage ensoleillé, vingt ans plus tôt, avec des combattants bosniens)… On est à Maglaj. C’est le jour où l’équipe de CNN a déboulé. Est-ce qu’il y a quelqu’un, là-dedans, qui a été bombardé et qui parle anglais ? Comme personne ne parlait anglais, ils sont repartis aussi sec. Vroum vroum (il fait, avec les mains, le geste de tourner le volant). Sauf que, sitôt partis, boum boum (geste de se boucher les oreilles) : à peine le temps de se mettre à couvert dans les vergers et voilà un des copains qui parlait pas anglais et qui en prend une en pleine tête : mais lequel ? le prof à côté de Gilles ? le type au serre-tête vert qu’on appelait l’Iranien alors qu’il buvait comme un Polonais – certains soirs, pour amuser la compagnie, il prenait un demi-magnum d’alcool de prune acheté à un cousin serbe, de l’autre côté de la ligne de front, et il se l’enfilait, non seulement cul sec, mais tête à l’envers, en faisant le poirier, histoire que ça aille direct au cerveau et hop, même pas saoul, il se relevait comme un culbuto, il me semble que c’est lui qui est mort, mais comment en être certain ?

Extraits
« De l’éclatement de la crise grecque en 2010 jusqu’au moins à la fin de 2012, les débats économiques internationaux se sont largement concentrés sur l’Europe et les grandes réunions mondiales y ont consacré la majeure partie de leur ordre du jour. Et, contrairement à toutes les théories paranoïaques du complot, l’attitude du monde vis-à-vis de notre continent a été largement positive. Des Etats-Unis à la Chine en passant par le Moyen-Orient, les partenaires de la zone euro espéraient sincèrement qu’elle parviendrait à s’en sortir et à préserver la monnaie européenne. En Europe même, l’attitude des autres membres de l’UE, comme le Royaume-Uni et la Pologne, a été également bienveillante. » p.77

« Pour Francois Hollande, la crise de l’euro a été jugulée. Il est difficile de partager son optimisme et de considérer que l’on est revenu à une situation normale quand la France emprunte à des taux négatifs à court terme. Il a été plus inspiré en évoquant la piste de l’harmonisation fiscale au menu du futur gouvernement économique de la zone euro. La question fiscale a, en effet, été éludée et évacuée de facto du traité de Lisbonne, une fois inscrite au registre des questions requérant l’unanimité des pays membres. Elle est pourtant importante à trois titres. D’abord, sous l’angle de l’harmonisation, car elle permet essentiellement de limiter la concurrence fiscale sur les bases les plus mobiles. Ensuite, du point de vue d’une internalisation des effets externes au niveau européen, avec comme exemples emblématiques une taxe carbone ou un marché de droits à polluer accompagnée d’une taxe carbone aux frontières ou la taxe sur les transactions financières. Enfin, sous l’angle du fédéralisme fiscal où les pays riches ou en expansion reversent une partie de leur manne fiscale aux pays pauvres ou en récession, par exemple au travers d’un système de péréquation. Et, contrairement à certaines idées reçues, l’Europe ne part pas de zéro sur le terrain de la fiscalité. Il faut d’abord faire le bilan de l’existant, avant d’expliciter les raisons qui militent pour des avancées dans (au moins) deux des trois directions mentionnées et de faire des propositions concrètes de réformes. » p.132