Prix spécial du jury 2018

catégorie : Roman
pays : Royaume-Uni

Retour à Lemberg

Philippe Sands


  • Parution : 23 août 2017
  • Editeur : Albin Michel
  • Pages : 544

Invité à donner une conférence en Ukraine dans la ville de Lviv, autrefois Lemberg, Philippe Sands, avocat international réputé, découvre une série de coïncidences historiques qui le conduiront de Lemberg à Nuremberg, des secrets de sa famille à l’histoire universelle. C’est à Lemberg que Leon Buchholz, son grand-père, passe son enfance avant de fuir, échappant ainsi à l’Holocauste qui décima sa famille ; c’est là que Hersch Lauterpacht et Raphael Lemkin, deux juristes juifs qui jouèrent un rôle déterminant lors du procès de Nuremberg et auxquels nous devons les concepts de « crime contre l’humanité » et de « génocide », étudient le droit dans l’entre-deux guerres. C’est là enfin que Hans Frank, haut dignitaire nazi, annonce, en 1942, alors qu’il est Gouverneur général de Pologne, la mise en place de la  » Solution finale  » qui condamna à la mort des millions de Juifs. Parmi eux, les familles Lauterpacht, Lemkin et Buchholz. Philippe Sands transcende les genres dans cet extraordinaire témoignage où s’entrecroisent enquête palpitante et méditation profonde sur le pouvoir de la mémoire.


Philippe Sands, né le 17 octobre 1960 est avocat britannique et français à Matrix Chambers, professeur de droit et directeur du Centre sur les cours et tribunaux internationaux de l’University College London. Spécialiste du droit international, il apparaît comme avocat devant de nombreuses cours et tribunaux internationaux, notamment la Cour internationale de Justice, le Tribunal international du droit de la mer, la Cour européenne de justice, la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour pénale internationale. Il est l’auteur de seize livres sur le droit international, dont Lawless World (2005) et Torture Team (2008). Son livre East West Street : Sur les origines du génocide et les crimes contre l’humanité (2016) a reçu de nombreux prix, dont le Prix Baillie Gifford 2016 pour la non-fiction.

 


Discours de la fille de l’auteur venue représenter Philippe Sands à l’occasion de la remise du Prix du livre européen 2018

« Je suis honorée d’être parmi vous ce soir, afin de recevoir au nom de mon père le Prix Spécial du Jury. Il n’a pas pu être avec nous ce soir, car il s’était engagé de longue date à donner une conférence à Genève, à l’occasion du 70ème anniversaire de la signature de la Convention contre le Génocide et de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Il m’a demandé de vous partager ces quelques mots de remerciements. Je cite :

« Je suis profondément flatté que le Jury distingue Retour à Lemberg de cette manière.

East West Street, Retour à Lemberg en français, est un livre Européen par excellence. Il a été traduit en quatorze langues européennes différentes. C’est l’histoire de quatre hommes, deux crimes, et une ville.

La ville, c’est la remarquable, magnifique, et complexe Lviv, aujourd’hui située en Ukraine. Elle est connue sous le nom de Lwow en Pologne; Lemberg en Autriche ou en Allemagne; et Leopolis, en Italie. Josef Wittlin, le talentueux poète polonais, appelait sa ville de naissance la Cité des Lions.
« L’essence du Lvovien, écrit-il, est l’extraordinaire mélange de noblesse et de canaille, de sagesse et d’imbécilité, de poésie et de vulgarité. »

Nées à Lviv, les histoires se déploient en Europe par plusieurs chemins.

C’est l’histoire de mon grand-père Leon Buchholz. L’histoire Du Professeur Hersch Lauterpacht et le Dr Rafael Lemkin sont les hommes, qui en 1945 ont introduit en droit international les concepts de « crime contre l’humanité » et de « génocide ». Et puis il y a Hans Frank, avocat, mari, père, amant, pianiste; et tueur de masse.

Les histoires passent par Vienne, puis Paris, Cambridge et Londres, et puis Varsovie et Cracovie, et enfin Nuremberg, et puis une simple pièce, la chambre criminelle n°600, ou trois de ces hommes se réunirent de manière improbable.

Retour à Lemberg a été publié alors que coule dans les veines de l’Europe et d’ailleurs le poison de la xénophobie et du nationalisme.

Retour à Lemberg est un livre qui parle de la mémoire et du silence. Il a été publié à l’heure où la génération qui a connu les horreurs des années 30, la génération qui a vécu la Deuxième Guerre Mondiale, la génération qui se souvient des raisons qui ont poussé les Etats à se rassembler pour créer les Nations Unies, pour adopter la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et la Convention de Genève, et pour créer la Communauté Economique Européenne, cette génération s’apprête à s’éteindre.

Retour à Lemberg est, avant tout, un livre sur l’identité. Son auteur s’identifie lui-même en tant qu’individu, et qu’Européen.

Il est impossible, en ayant vécu l’expérience d’écrire Retour à Lemberg, cette immersion dans l’Europe de 1914 à 1945, de ne pas ressentir une anxiété aigüe à propos de ce qu’il se trame aujourd’hui.

Je remercie le Jury de rendre hommage à ceux qui, en 1945, croyaient en l’idéal de la règle et de l’Etat de droit, en Europe et dans le monde, et à ceux qui continuent d’y croire aujourd’hui, et se battront pour le défendre. »

Si je peux me permette, en tant que membre de la prochaine génération d’Européens, je peux vous assurer de notre engagement à promouvoir les idéaux et les valeurs de Lauterpacht, Lemkin et bien d’autres. Pour l’intégration et l’équité, contre toutes les formes de discrimination et de haine. Au nom de mon père et mes arrière-grands-parents, je vous remercie beaucoup. »